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Art. Peintures d'eau à découvrir à la galerie Bertran à Rouen
Art. Peintures d'eau à découvrir à la galerie Bertran à Rouen

Antoine Bertran nous entraîne dans le sillage des peintres post-impressionnistes au fil de l'eau. Un sujet incontournable à découvrir sur les cimaises de la galerie Bertran à Rouen (Seine-Maritime) jusqu'au 9 février 2019.

Pour cette nouvelle exposition, Antoine Bertran rassemble des œuvres de Pierre Hodé, Maurice Louvrier, Joseph Delattre, Pierre Dumont ou encore Le Trividic inspirées par l'eau. Ce vaste sujet permet de témoigner de la diversité des recherches picturales menées par ces peintres post-impressionnistes.

Quel détail insolite avez-vous découvert récemment ?

"Dans une toile d'
Albert Lebourg, issue d'une collection particulière, on peut voir le port de Rouen et au premier plan la dame blanche : c'est le yacht de François Depeaux, un collectionneur rouennais avisé qui soutient les peintres post-impressionnistes. Certains d'entre eux avaient d'ailleurs eu la chance d'être conviés à bord de son bateau comme Lebourg, Sisley et Monet. Or jusqu'alors on ignorait que cette toile représentait le yacht de Lebourg. Pourtant on identifie facilement ce yacht que le mécène avait acheté en 1895 en comparant la toile avec d'autres tableaux des post-impressionnistes dans lequel il apparaît. Le yacht se trouve dans le bassin St Gervais, actuel port de plaisance et on aperçoit au loin l'église de Canteleu et les silos à grain : le paysage est facilement identifiable. Cette toile de Lebourg surprend par la façon dont le peintre parvient à retranscrire l'intensité lumineuse de la scène et on peut supposer que l'artiste avait peint ce yacht dans l'espoir de vendre sa toile au collectionneur d'art. Cependant ce ne fut pas le cas."

Quelle évolution stylistique est la plus surprenante?

"L'exposition présente des toiles de
Pierre Dumont représentatives de plusieurs périodes. Ce peintre a été fauve avant l'heure comme en témoigne 'Les voiliers à Varengeville' mais il a aussi côtoyé Braque et Friesz à Anvers et La Ciotat et a traversé une période cubiste. Il fait venir également à Rouen Derain, Vlaminck, et Matisse dont il partagera les techniques pour un temps. Dans sa première toile exposée chez Legrip à Rouen, il fait usage de teintes très vives (il s'agit d'une cathédrale) et parmi les toiles de cette nouvelle exposition on découvre un paysage du pré au loup à Rouen en 1902 traité de la même façon. Mais il n'a jamais cessé de renouveler son style. Il utilise parfois des cernes noirs à la façon de Gauguin dans sa période de Pont-aven et des couleurs très tranchées. Il travaillera une quarantaine de toiles dans cet esprit or cela reste une faible part de sa production puisqu'on lui attribue 2500 toiles. Dans Le pont neuf à Paris, présentée également dans l'exposition, il fait preuve d'une étonnante modernité, il dépose la peinture directement du tube sur la toile ce qui explique l'aspect extrêmement matiériste de ces eaux sombres et inquiétantes. Il travaille également de beaux effets de lumière sur le Mont-Saint-Michel."

Quelles sont les toiles les plus rares présentées dans l'exposition ?

"J'ai eu la chance de dénicher une toile de
Joseph Delattre qui représente une scène de régate sur la Seine 'Les coteaux de Biessard', près du pont aux Anglais et de l'île aux cerises. Or c'est un sujet que le peintre a peu travaillé. Le premier plan est très travaillé avec de fines petites touches et l'œil est immédiatement attiré par les voiles blanches des bateaux. C'est une toile que l'on peut dater approximativement de 1900. Une autre toile très proche est conservée dans une collection particulière à Rouen. L'exposition permet aussi de découvrir une belle aquarelle de Le Trividic, une vue du port de Rouen avec le pont transbordeur, mais aussi un délicieux petit format de Louvrier dans lequel le pont Boieldieu est noyé dans un brouillard bleuté comme dans une toile de Turner. Mais on peut aussi voir dans cette exposition d'autres toiles de Delattre comme le café du passage à Petit-Couronne : l'eau est vraiment un sujet de prédilection pour ces peintres qui cherchent à capter la lumière. Le ciel s'y reflète et l'eau permet de travailler des effets de scintillement et de saisir cette impression de mouvement : rien n'est figé."




Antoine Bertran pose devant plusieurs toiles de Pierre Dumont : une collection qui témoigne de ses recherches plastiques variées. - Élodie Laval

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