Rouen : Hodé, un peintre en pleines formes
Pierre Hodé (1889-1942) se fait rare dans les expositions. Pilier de l’école de Rouen, il laisse pourtant derrière lui une production limitée. «
Parce qu’il préférait détruire ses œuvres quand il n’était pas pleinement satisfait. Et il n’aimait pas les marchands de tableaux, il pensait qu’ils exploitaient les artistes», relève sa filleule, Jacqueline Philippe-Maille, qui habite toujours Rouen. Réunir seize de ses toiles dans un même lieu est donc une opportunité rare. Et c’est un marchand de tableaux, Antoine Bertran, qui les héberge jusqu’au 19janvier, dans sa galerie de la rue Molière.
Parmi les seize œuvres, douze proviennent de la collection Claude Pillement, auteur du seul livre sur le peintre. Les amateurs reconnaîtront les vues du port de Rouen, très géométriques, emblématiques du style de
Pierre Hodé. «
Sur certaines, on voit clairement le trou du compas, s’amuse Antoine Bertran. La mise en place des formes est très précise. Ses toiles ne ressemblent à aucune autre, car c’est un mélange de paysages et de cubisme. C’est en ça, que Pierre Hodé est intéressant.»
L’exposition dévoile aussi des tableaux moins connus, où le peintre se cherche, promène son pinceau au fil des courants. «Robert-Antoine Pinchon et Pierre Dumont sont les peintres qui l’ont le plus aidé. Dans ses premières toiles, on ressent l’influence de ces deux-là, esquisse le galeriste. Certains voient aussi un côté Cézanne dans ses natures mortes. Il se définit lui-même proche de Cézanne.»
«Il aurait aimé être reconnu
de son vivant»
Pierre Hodé a été oublié des Rouennais, car il est parti à Paris pour poursuivre sa carrière. Sa filleule s’est longtemps battue pour faire reconnaître le travail de son parrain dans la capitale normande, comme le prouvent la plaque, posée en 2006 entre les deux grues du 106, et le focus qui lui a été consacré au musée des Beaux-Arts de Rouen, lors de la troisième édition du Temps des collections. «Il mérite d’être connu car c’est un grand artiste, mais très humble», se souvient Jacqueline Philippe-Maille. «Et il dessinait très bien, ce qui n’est pas le cas de tous les peintres de l’époque. On a retrouvé des croquis de Poilus et de militaires canadiens, qu’il a faits pendant la guerre, très réalistes, complète Antoine Bertran. Il aurait aimé être reconnu de son vivant. Mais il a eu plus de succès en tant que décorateur de théâtre.»
Aujourd’hui, le peintre est devenu très prisé. Son coup de crayon, très moderne, trouve écho au XXIe siècle. La plupart des œuvres présentées à la galerie Bertran ont trouvé preneurs, certaines se négociant à plus de 30000€. C’est bien connu, les peintres qui ont beaucoup de talent sont rarement bankable de leur vivant.